ACRAS

Francine Lancelot
(1929-2003)

Artiste bâtisseuse, c'est ainsi qu'elle se donnait à connaître. De par ses origines, rien ne la disposait à une telle carrière, si ce n'est peut-être l'exemple d'une exigence transmis par un père, professeur d'économie politique en faculté. Elle passe son enfance à Montpellier, puis les années de guerre à Die, dans la maison de sa mère où sont réfugiés des juifs, pendant que le père combat dans la Résistance. À quinze ans, elle vient à Paris et prend ses premiers cours de danse. Trois ans plus tard, elle décide de devenir danseuse, ce qui n'est pas sans provoquer un drame familial. Mais la volonté est déjà une de ses premières qualités et, tout en enchaînant une série de petits travaux alimentaires, elle suit assidument des cours de danse contemporaine et classique. En 1954, elle se rend à Berlin où elle reçoit l'enseignement de Mary Wigman. Puis, à Paris, elle travaille avec Françoise et Dominique Dupuy qui lui offrent son premier engagement. Parallèlement elle apprend le théâtre, le mime et l'acrobatie. Elle est ensuite engagée au théâtre de l'Atelier, au côté de Pierre Conté, occasion de découvrir et d'apprendre l'écriture Conté. Ces rencontres successives, Pierre Conté puis Jean Dasté qui l'emmène travailler à Saint-Étienne comme danseuse, chorégraphe et comédienne, et le passage dans cette ville d'un groupe yougoslave de danses traditionnelles, décideront de sa vie en élargissant son horizon à la recherche et la chorégraphie.
En 1962, elle est de retour à Paris. Elle danse et chorégraphie pour des centres dramatiques. Elle participe notamment à la Biennale de Paris en 1965 où elle conçoit le ballet Coïncidences avec François-Bernard Mache et les frères Baschet. De 1964 à 1977, dans le cadre du Musée des Arts et Traditions Populaires, elle collecte les danses traditionnelles (Aubrac, Provence/Languedoc, Vendée, Haute Bretagne, Béarn, rondeaux du Gers et des Landes) pour le C.N.R.S, sous la houlette de Jean-Marie Guilcher. Ce travail la passionne au point qu'elle le poursuit par le biais d'une maîtrise de l'École Pratique des Hautes Études sur « Le système Feuillet » (1969), puis d'un doctorat de 3e cycle en ethnologie historique sur « Les sociétés de farandole en Provence et Languedoc » (1973). Les danses anciennes, populaires et savantes, sont alors méconnues voire inconnues en France, sauf précisément de Francine Lancelot.
Aussi entreprend-elle d'enseigner ce qui lui apparaît comme un nouveau répertoire. Elle commence dans l'intimité d'un cours personnel, avec quelques concerts de démonstration. Mais Léone Mail, alors inspectrice de la danse au Ministère de la Culture, convaincue de la portée de son travail, persuade Claude Bessy de l'inviter à l'école de l'Opéra de Paris. Ce sera le premier facteur déclenchant un intérêt pour les danses historiques dans la profession. Ce sera aussi l'occasion de rencontrer Philippe Beaussant, fondateur de l'Institut de Musique et de Danses Anciennes (IMDA), avec qui la convergence de recherche est d'emblée évidente. Suivent de nombreux stages, notamment pour l'IMDA, le Centre International de Recherche Musicale et d'Animation Régionale de Saintes, les Rencontres Internationales de Danse Contemporaine.
Depuis 1969, dix ans s'écoulent, principalement consacrés à la recherche et à l'enseignement. Dix ans pendant lesquels Francine Lancelot ne cesse d'empoigner son bâton de pélerin pour que vive la « Belle Dance ». Et pendant ces mêmes années, le concept de « baroque » connait la fortune que l'on sait, autant dans le domaine musical que littéraire. On pourrait la croire définitivement engloutie dans une activité de pédagogue et de chercheuse. Mais elle reste et demeure une artiste dont la vérité s'exprime avant tout sur un plateau. En 1979, elle fait une rencontre déterminante, celle d'Antoine Geoffroy-Dechaume, claveciniste et musicologue. Ensemble ils se mettent au travail. Il joue, elle danse, et ce qu'elle lisait dans les livres prend naturellement corps. Le rapport dynamique de la musigue à la danse, pour la première fois, s'avère juste. L'un confirme le travail de l'autre : forte de cette expérience, un an plus tard, à l'initiative de Philippe Beaussant et de l'IMDA, elle s'engage dans l'aventure folle de créer une compagnie. Ce sera Ris et Danceries. Elle y réunit des danseurs, des chorégraphes, des chercheurs avec qui, pendant dix ans, elle va monter des spectacles chorégraphiques (Bal à la cour de Louis XIV - 1981-82 & 1987-88, Rameau l'enchanteur - 1983-84, Caprice - 1986, Tempore et Mesura - 1988-89), participer à la réalisation d'opéras (Atys de Lully - 1986/87, 1989, 1992, The Fairy Queen de Purcell - 1989), de comédies-ballets (Le Malade imaginaire de Charpentier - 1990), sachant tout à la fois restituer au public d'aujourd'hui les savantes chorégraphies de Pécour, comme proposer ses propres créations à travers un style baroque rigoureusement étudié. De ce deuxième savoir exigeant un équilibre délicat entre le goût de l'histoire et l'invention personnelle, Rudolph Noureev a reconnu la qualité. Incité par Wilfride Piollet et Jean Guizerix, il l'invite à chorégraphier à l'Opéra de Paris le solo Bach suite (1984) ainsi que le ballet Quelques pas graves de Baptiste (1985). Les études ne la lâchent pourtant pas. De 1981 à 1986, elle est chargée des cours de Danse Renaissanse et de Danse Baroque dans le cadre du cursus Danse de l'université de Paris IV (Clignancourt). Puis en 1986, elle est nommée Maître de conférence en danse à l'université de Nice (département Art-Communication-Langage), poste qu'elle occupera de 1985 à 1988.
De 1991 à 1996, elle poursuit ses recherches avec différents collaborateurs pour constituer, avec l'appui technique du Centre de Musique Baroque de Versailles, une base de données et aboutir à la publication, chez Van Dieren Éditeur, de « La Belle Dance, catalogue raisonné des partitions chorégraphiques du XVIIIe siècle » (voir bibliographie).
Elle est aussi à l'origine d'enregistrements de ‘musique à danser’, utiles aux chorégraphes, professeurs et interprètes (voir bibliographie). En 1981, ce sont « Les Caractères de la Danse » avec un ensemble instrumental dirigé par Pierre Séchet. En 1995, le coffret « Musiques à danser à la cour et à l'opéra » est coproduit par Ris et Danceries et Erato.
Membre fondateur en 2001 de l'Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du Spectacle aux XVIIe et XVIIIe siècles (ACRAS), elle s'emploie à soutenir la recherche en danse ancienne, en particulier auprès des autorités ministérielles.
Ces dernières années, Francine Lancelot les a consacrées à mettre en ordre ses archives et celles de Ris et Danceries pour les déposer dans des institutions où elles puissent être accessibles aux chercheurs, aux danseurs et au public :
Ris et Danceries, février 2004
Reflets filmés du travail de Francine Lancelot
haut de page
Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du Spectacle aux XVIIe et XVIIIe siècles
https://www.acras17-18.org
ACRAS (association loi 1901)
c/o Laura Naudeix, 49 rue de Rochechouart, 75009 Paris (France)